Il est 20 h 30. Stéphane Vaille et Thierry Souin se retrouvent jeudi 18 juillet sur le parking de la salle des sports de La Chapelle-Montligeon (Orne).
De leurs coffres de voitures, ils sortent des maquettes d’avion, de planeur et d’hélicoptère, entières ou à assembler.
Cent grammes
« Nous prenons des avions conçus pour voler en salle. Certains sont tellement légers qu’ils ne souffriraient pas le moindre souffle de vent » explique Stéphane.
Comme le modèle en polystyrène de 80 cm d’envergure et d’une centaine de grammes, le premier à s’élancer in door, dans la salle de sport, piloté par Stéphane.
Pièces détachées
C’est un avion acheté en pièces détachées, que l’artisan prothésiste dentaire, dans la vraie vie, a monté comme une maquette avec des éléments disparates qu’il a assemblés avec précision.
L’avion va vite, très vite, il est difficile à suivre, encore plus à photographier !
Anticiper les figures
L’aéromodéliste s’en donne à aile joie : « J’aime construire, assembler, coller, entoiler, peindre, être entre copains. J’aime faire voler, mais moins en salle. Pour moi, c’est une nécessité quand la météo l’exige ».
Il fixe son modèle au vol, anticipe les pirouettes, les chandelles, les virages dos, les retournements, les accélérations, s’amuse avec sérieux et beaucoup d’attention à toutes les figures acrobatiques qu’il demande à son avion.
4 à 5 minutes de vol
Le vol dure peu de temps, 4 à 5 minutes car la commande dispose d’une petite batterie.
« Piloter un drone, un avion, un hélico, ça n’a rien à voir, ce ne sont pas du tout les mêmes engins » explique-t-il en choisissant le deuxième modèle qu’il a apporté pour se faire plaisir et s’entraîner.
C’est un hélico, tout petit, de quelque 15 cm seulement, âgé de 10 ans.
Mais son hélico de salle est une vraie bombe, difficile à piloter, qui exige de l’expérience et de la dextérité.
Le in door permet d’utiliser des modèles qui se réparent très bien à la maison
« Ça a été la mode à un nomment donné mais c’est tellement compliqué à piloter. Et puis quand il se crashe, quand il faut réparer ou remplacer, les pièces sont si onéreuses, que ce n’est pas évident. Du reste, la mode est passée » reprend-il.
Prendre des risques
La spécificité des vols in door c’est de pouvoir utiliser des modèles qui se réparent très bien à la maison.
Prendre des risques, exécuter de nouvelles figures, inventer, s’entraîner au risque de scratcher son avion.
Les fous de la maquette utilisent des modèles moins chers, moins fragiles, moins luxueux et moins beaux mais qui se réparent à moindre coût et plus facilement.
Et puis, la limite spatiale qu’impose nécessairement la salle aux quatre murs influe sur le choix de la taille, de l’envergure et du poids des modèles sélectionnés.
Thierry Souin fait décoller son Gee Bee « fait maison », un vrai bolide d’environ 60 cm d’envergure et 110 grammes.
Sa mobilité, tout simplement folle et extravagante, le place en pole position pour la vitesse et la fluidité.
Comme une drogue
Thierry sourit : « J’ai besoin de ça comme une drogue. Je l’ai déjà dit, et plusieurs fois encore, un peu comme un fumeur ou un alcoolique, maintenant j’arrête, mais je n’y arrive pas ! »
En classe de 5e, vers l’âge de 13 ans, il découvre et réalise un vol libre, sans radio commande. C’est une révélation.
Et puis son père a commencé sa vie professionnelle comme mécanicien dans l’aéronautique et tout s’enchaîne. Il se prend de passion pour l’aéromodélisme.
Il multiplie les maquettes, s’inscrit au club de Mortagne-au-Perche, vit pour les modèles.
Le virus dormant s’est réveillé instantanément !
Mais en seconde, il découvre la guitare classique qui supplante le modélisme.
« La guitare prend alors toute la place. Je suis devenu professeur au conservatoire de musique dans les Yvelines. Un soir alors que je quittais le conservatoire, j’ai vu voler à Beynes deux modèles de planeurs. Le virus dormant s’est réveillé instantanément ! ».
Thierry replonge
Et Thierry replonge, vers les 22 ans, dans l’enfer des maquettes, des créations et des vols.
La nuit, il dessine des plans d’avion, écrit des articles qu’il publie dans des revues spécialisées comme RCM (Radio Commande Magazine).
Le jour il enseigne les partitions, les notes, la technique, prépare ses élèves aux concours.
Il vit deux vies parallèles, s’installe dans deux mondes différents et exerce deux métiers en quelque sorte.
Musique et modélisme
Depuis très peu de temps Thierry est à la retraite, du moins quand il ne fait pas de replacement.
Mais peu importe !
Ce qui compte et ce qui lui saute aux yeux, ce sont les ponts qui existent entre la musique et le modélisme.
Un chef d’orchestre
« Quand on étudie un modèle, qu’on pense une structure, cela rappelle le rôle du chef d’orchestre. Tout comme lorsqu’on fait voler un modèle et qu’il s’agit de lui faire exécuter de belles trajectoires, de beaux gestes ».
« Réaliser un assemblage ressemble à déchiffrer, apprendre et jouer un morceau de musique. Et les deux domaines demandent patience et passion ».
Coller et entoiler Créer et voler
Thierry aime travailler le bois, le plastic, il aime coller et entoiler, créer et voler.
« Les trajectoires d’un avion me rappellent les nuances des phrases musicales d’un morceau classique. On joue dans les deux cas avec les tempi rapides et lents ».
Aujourd’hui il ne publie plus mais son nom reste attaché à des revues et à des plans qu’il a publiés.
« C’est d’abord à travers les magazines que je l’ai connu avant de le rencontrer physiquement » s’amuse Stéphane, les yeux pleins d’étoiles.
Thierry hausse les épaules.
Ils sont copains, pas compétiteurs pour un sou, plutôt des amateurs très éclairés, des électrons libres qui volent à une vitesse et à une hauteur prodigieuses.
Avec grâce et application.
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